PAUVRE
ENFANT PALE
Pauvre enfant pâle, pourquoi crier à
tue-tête dans la rue ta chanson aiguë et insolente, qui se
perd parmi les chats, seigneurs des toits ? car elle ne traversera pas
les volets des premiers étages, derrière lesquels tu ignores
de lourds rideaux de soie incarnadine.
Cependant tu chantes fatalement, avec l'assurance
tenace d'un petit homme qui s'en va seul par la vie et, ne comptant
sur personne, travaille pour soi. As-tu jamais eu un ère ? Tu
n'as pas même une vieille qui te fasse oublier ta faim en te battant,
quand tu rentres sans un sou.
Mais tu travailles pour toi : debout dans les rues,
couvert de vêtements déteints faits comme ceux d'un homme,
une maigreur prématurée et trop grand à ton âge,
tu chantes pour manger, avec acharnement, sans abaisser tes yeux méchants
vers les autres enfants jouant sur le pavé.
Et ta complainte est si haute, si haute, que ta tête
nue qui se lève en l'air à mesure que ta voix monte, semble
vouloir partir de tes petites épaules.
Petit homme, qui sait si elle ne s'en ira pas un
jour, quand, après avoir crié longtemps dans les villes,
tu auras fait un crime ? un crime n'est pas bien difficile à
faire, va, il suffit d'avoir du courage après le désir,
et tels qui... Ta petite figure est énergique.
Pas un sou ne descend dans le panier d'osier que
tient ta longue main pendue sans espoir sur ton pantalon on te rendra
mauvais et un jour tu commettras un crime.
Ta tête se dresse toujours et veut te quitter,
comme si d'avance elle savait, pendant que tu chantes d'un air qui devient
menaçant.
Elle te dira adieu quand tu paieras pour moi, pour
ceux qui valent moins que moi. Tu vins probablement au monde vers cela
et tu jeûnes dès maintenant, nous te verrons dans les journaux.
Oh! pauvre petite tête !