Stéphane Mallarmé | un coup de dés... | ||||
PROSE
Plainte d'automne |
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PLAINTE D'AUTOMNE
Depuis
que Maria m'a quitté pour aller dans une autre étoile
-laquelle, Orion, Altaïr, et toi, verte Vénus ? - j'ai toujours
chéri la solitude. Que de longues journées j'ai passées
seul avec mon chat. Par seul, j'entends sans un être matériel
et mon chat est un compagnon mystique, un esprit. Je puis donc dire
que j'ai passé de longues journées seul avec mon chat,
et seul, avec un des derniers auteurs de la décadence latine;
car depuis que la blanche créature n'est plus, étrangement
et singulièrement j'ai aimé tout ce qui se résumait
en ce mot : chute. Ainsi, dans l'année, ma saison favorite, ce
sont les derniers jours alanguis de l'été, qui précèdent
immédiatement 'automne et, dans la journée, l'heure où
je me promène est quand le soleil se repose avant de s'évanouir,
avec des rayons de cuivre jaune sur les murs gris et de cuivre rouge
sur les carreaux. De même la littérature à laquelle
mon esprit demande une volupté sera la poésie agonisante
des derniers moments de Rome, tant, cependant, qu'elle ne respire aucunement
l'approche rajeunissante des Barbares et ne bégaie point le latin
enfantin des premières proses chrétiennes. |