Stéphane Mallarmé un coup de dés...  
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A Hélène
Stéphane Mallarmé  
 
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A Hélène
Edgar Allan Poe
Edgar Poe
 


Je te vis une fois - une seule fois - il y a des années : combien, je ne le dois pas dire, mais peu. C'était un minuit de Juillet ; et hors du plein orbe d'une lune qui, comme ton âme même s'élevant, se frayait un chemin précipité au haut du ciel, tombait de soie et argenté un voile de lumiere, avec quiétude et chaud accablement et sommeil, sur les figures levées de mille roses qui croissaient dans un jardin enchanté, où nul vent n'osait bouger, si ce n'est sur la pointe des pieds ; - il tombait sur les figures levées de ces roses qui rendaient, en retour de la lumière d'amour, leurs odorantes âmes en une mort extatique ; - il tombait sur les figures levées de ces roses qui souriaient et mouraient en ce parterre, enchanté - par toi et par la poésie de ta présence. Tout de blanc habillée, sur un banc de violette, je te vis à demi-gisante, tandis que la
lune, tombait sur les figures levées de ces roses, et sur la tienne même, levée, hélas ! dans le chagrin.


N'était-ce pas la destinée, qui, par ce minuit de Juillet, - n'était-ce pas la destinée, dont le nom est aussi chagrin, - qui me commanda cette pause devant la grille du jardin pour respirer l'encens de ses sommeillantes roses ? Aucun pas ne s'agitait : le monde détesté tout entier dormait, excepté seulement toi et moi (oh ! cieux ! - oh ! Dieu ! comme mon coeur bat d'accoupler ces deux noms !), excepté seulement toi et moi. - Je m'arrêtai, - je regardai, - et en un instant toutes
choses disparurent. (Ah ! - aie en l'esprit ceci que le jardin était enchanté !) Le lustre perlé de la lune s'en alla : les bancs de mousse et le méandre des sentiers, les fleurs heureuses et les gémissants arbres ne se firent plus voir : des roses mêmes l'odeur mourut dans les bras des airs adorateurs. Tout, - tout expira, sauf toi, sauf moins que toi, sauf seulement la divine lumière en tes yeux, sauf rien que l'âme en tes yeux levés. Je ne vis qu'eux ; - ils étaient le monde pour moi. Je ne vis qu'eux, - les vis seulement pendant des heures, - les vis seulement jusqu'alors que la lune s'en alla. Quelles terribles histoires du coeur semblèrent inscrites sur ces cristallines, célestes sphères ! Quelle mer silencieusement sereine d'orgueil ! Quelle ambition osée ! pourtant quelle profonde, quelle insondable puissance pour l'amour !


Mais voici qu'à la fin la chère Diane plongea hors de la vue dans la couche occidentale d'un nuage de foudre : et toi, fantôme, parmi le sépulcre des arbres, te glissas au loin. Tes yeux seulement demeurèrent. Ils ne voulurent pas partir ; - ils ne sont jamais partis encore !


Eclairant ma route solitaire à la maison cette nuit- là, ils ne m'ont pas quitté (comme firent mes espoirs) depuis. Ils me suivent, ils me conduisent à travers les années. Ils sont mes ministres ; pourtant je suis leur esclave. Leur office est d'illuminer et d'embraser ; - mon devoir, d'être sauvé par leur brillante lumière, et purifié dans leur feu électrique, et sanctifié dans leur feu élyséen. Ils emplissent mon âme de beauté (qui est espoir), et sont loin, au haut des cieux, - les étoiles devant qui je m'agenouille dans les tristes, taciturnes
veilles de ma nuit ; tandis que, même dans le rayonnement méridien du jour, je les vois encore, - deux suaves, scintillantes Vénus, inextinguibles au soleil.



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SCOLIE

Baudelaire a peut-être puisé dans le final de ce poème l'inspiration d'un merveilleux sonnet.

LE FLAMBEAU VIVANT


Ils marchent devant moi, ces Yeux pleins de lumières,
Qu'un Ange très-savant a sans doute aimantés ;
Ils marchent, ces divins frères qui sont mes frères,
Secouant dans mes yeux leurs feux diamantés.

Me sauvant de tout piège et de tout péché grave,
Ils conduisent mes pas dans la route du Beau.
Ils sont mes serviteurs et je suis leur esclave ;
Tout mon être obéit à ce vivant flambeau.

Charmants Yeux, vous brillez de la clarté mystique
Qu'ont les cierges brûlant en plein jour ; le soleil
Rougit, mais n'éteint pas leur flamme fantastique ;

Ils célèbrent la Mort, vous chantez le Réveil ;
Vous marchez en chantant le réveil de mon âme,
Astres dont nul soleil ne peut ternir la flamme !


- Ce n'est point un mystère que l'Hélène qui suscita l'encens divin du chant d'amour laissé par Poe est l'une des plus brillantes poétesses d'Amérique, Mrs Sarah Helen Whitman, morte depuis peu et avec qui le poète songea à se remarier en 1848. La première fois qu'il la vit, solitaire et errant de nuit dans une des rues de Providence (Rhode Island), avant de rentrer à son hôtel, ce fut à travers la grille d'un beau jardin : il resta longtemps à respirer la beauté de la dame et de l'heure. Cette très noble femme, auteur des Heures de vie et autres poèmes, des Ballades féériques, était veuve ; et, particularité charmante, son nom virginal de Lepower ou Lepoer la faisait dès avant appartenir à la vieille lignée, normande jadis, puis anglaise, qui donna ses ancêtres au poëte. Sa main se plut à l'indiquer au crayon en marge de l'exemplaire qu'elle m'a offert d'un livre, Poe et ses critiques, cent pages indignées, splendides, cri de grande âme et d'esprit fier défendant une mémoire sacrée contre tous les mensonges qui longtemps l'accablèrent de leur nombre triomphal.

Mrs Whitman a surtout protesté, dans la presse, ses lettres et de toute la force de la parole, contre un épouvantable fait divers mis en circulation par le criminel abject, dépositaire de l'honneur de Poe : cet obscur Griswold qui trouva dans l'emploi de la calomnie et de l'injure une immortalité de près d'un quart de siècle.

Je laisse, hésitant que cette histoire soit racontée en des mots nouveaux, même pour un démenti, la parole à Baudelaire ; et cite plusieurs phrases qu'il lui plairait, maintenant que le jour éclate, de raturer dans sa pieuse préface. " On raconte d'ailleurs qu'un jour, au moment de se remarier (les bans étaient publiés, et, comme on le félicitait sur une union qui
mettait dans ses mains les plus hautes conditions de bonheur et de bien-être, il avait dit - Il est possible que vous ayez vu des bans, mais notez bien ceci : je ne me marierai pas), il alla épouvantablement ivre, scandaliser le voisinage de celle qui devait être sa femme, ayant ainsi recours à son vice pour se débar- rasser d'un parjure envers la pauvre morte dont l'image
vivait en lui " - sa femme, Virginia - " et qu'il avait admirablement chantée dans son Annabel Lee ". Non ! la scène ignominieuse est inventée ; et voyez le crime de Griswold, que cette infamie, faite pour surprendre aisément la foule, s'imposa même à la réflexion de Baudelaire et y suscite comme une tentative de bienveillante explication !

 


   

TO -- -- --


I SAW thee once -- once only -- years ago:
I must not say how many -- but not many.
It was a July midnight; and from out
A full-orbed moon, that, like thine own soul, soaring,
Sought a precipitant pathway up through heaven,
There fell a silvery-silken veil of light,
With quietude, and sultriness, and slumber,
Upon the upturn'd faces of a thousand
Roses that grew in an enchanted garden,
Where no wind dared to stir, unless on tip-toe --
Fell on the upturn'd faces of these roses
That gave out, in return for the love-light,
Their odorous souls in an ecstatic death --
Fell on the upturn'd faces of these roses
That smiled and died in this parterre, enchanted
By thee and by the poetry of thy presence.

Clad all in white, upon a violet bank
I saw thee half reclining; while the moon
Fell on the upturn'd faces of the roses,
And on thine own, upturn'd -- alas! in sorrow!

Was it not Fate that, on this July midnight --
Was it not Fate (whose name is also Sorrow)
That bade me pause before that garden-gate
To breathe the incense of those slumbering roses?
No footstep stirred: the hated world all slept,
Save only thee and me. I paused -- I looked --
And in an instant all things disappeared.
(Ah, bear in mind this garden was enchanted!)
The pearly lustre of the moon went out:
The mossy banks and the meandering paths,
The happy flowers and the repining trees,
Were seen no more: the very roses' odors
Died in the arms of the adoring airs.
All -- all expired save thee -- save less than thou:
Save only the divine light in thine eyes --
Save but the soul in thine uplifted eyes.
I saw but them -- they were the world to me.
I saw but them -- saw only them for hours --
Saw only them until the moon went down.
What wild heart-histories seemed to lie enwritten
Upon those crystalline, celestial spheres!
How dark a wo! yet how sublime a hope!
How silently serene a sea of pride!
How daring an ambition! yet how deep --
How fathomless a capacity for love!

But now, at length, dear Dian sank from sight,
Into a western couch of thunder-cloud,
And thou, a ghost, amid the entombing trees
Didst glide away. Only thine eyes remained.
They would not go -- they never yet have gone.
Lighting my lonely pathway home that night,
They have not left me (as my hopes have) since.
They follow me -- they lead me through the years.
They are my ministers -- yet I their slave.
Their office is to illumine and enkindle --
My duty to be saved by their bright light
And purified in their electric fire --
And sanctified in their elysian fire.
They fill my soul with Beauty (which is Hope)
And are far up in Heaven, the stars I kneel to
In the sad, silent watches of my night;
While even in the meridian glare of day
I see them still -- two sweetly scintillant
Venuses, unextinguished by the sun!

 

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