Stéphane Mallarmé un coup de dés...  
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Terre de songe
Stéphane Mallarmé  
 
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Terre de Songe
Edgar Allan Poe
Edgar Poe
 


Par une sombre route déserte, hantée de mauvais anges seuls, où une Idole, nommée Nuit, sur un trône noir debout règne, je ne suis arrivé en ces terres-ci que nouvellement d'une extrême et vague Thulé - d'un étrange et fatidique climat qui gît, sublime, hors de l'ESPACE, hors du TEMPS.


Insondables vallées et flots interminables, vides et souterrains et bois de Titans avec des formes qu'aucun homme ne peut découvrir à cause des rosées qui perlent au-dessus ; montagnes tombant à jamais dans des mers sans nul rivage ; mers qui inquiètement aspirent, y surgissant, aux cieux en feu ; lacs qui débordent incessamment de leur eaux calmes - calmes et glacées de la neige des lys inclinés.


Par les lacs qui ainsi débordent de leurs eaux solitaires, solitaires et mortes - leurs eaux tristes, tristes et glacées de la neige des lys inclinés - par les montagnes - par les bois gris - par le marécage où s'installent le crapaud et le lézard - par les flaques et étangs lugubres - où habitent les Goules - en chaque lieu le plus décrié - dans chaque coin le plus mélancolique : partout le voyageur rencontre effarées les Réminiscences drapées du Passé - formes ensevelies qui reculent et soupirent quand elles passent près du promeneur, formes au plis blancs d'amis rendus il y a longtemps, par l'agonie, à la Terre - et au Ciel.


Pour le coeur dont les maux sont Légion, c'est une pacifique et calmante Région. - Pour l'esprit qui marche parmi l'ombre, c'est - oh ! c'est Eldorado ! Mais le le voyageur, lui, qui voyage au travers, ne peut - n'ose pas la considérer ouvertement. Jamais ses mystères ne s'exposent au faible oeil humain qui ne s'est pas fermé ; ainsi le veut son Roi, qui a défendu d'y lever la paupière frangée ; et aussi l'âme en peine qui y passe, ne la contemple qu'à travers des glaces obscurcies.


Par une sombre route nue, hantée de mauvais anges seuls, où un Idole, nommée Nuit, sur un trône noir debout règne, j'ai erré avant de ne revenir que récemment de cette extrême et vague Thulé.



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SCOLIE

Même remarque pour Terre de Songe que pour la Vallée de l'Inquiétude et la Cité en la Mer. Cette imagination, l'une de celles qui expriment le mieux, par la présence de certaines teintes morbides ou funestes, les ultima thule, régions extrêmes, de l'esprit (comme si la gloire d'y être parvenu ne s'affirmait chez l'homme que par la maladie et la destruction de sa nature !) est aux Poëmes écrits dans la jeunesse.


   

DREAM-LAND


BY a route obscure and lonely,
Haunted by ill angels only,
Where an Eidolon, named NIGHT,
On a black throne reigns upright,
I have reached these lands but newly
From an ultimate dim Thule --
From a wild weird clime that lieth, sublime,
Out of Space -- out of Time.

Bottomless vales and boundless floods,
And chasms, and caves, and Titan woods,
With forms that no man can discover
For the dews that drip all over;
Mountains toppling evermore
Into seas without a shore;
Seas that restlessly aspire,
Surging, unto skies of fire;
Lakes that endlessly outspread
Their lone waters -- lone and dead, --
Their still waters -- still and chilly
With the snows of the lolling lily.

By the lakes that thus outspread
Their lone waters, lone and dead, --
Their sad waters, sad and chilly
With the snows of the lolling lily, --
By the mountains -- near the river
Murmuring lowly, murmuring ever, --
By the grey woods, -- by the swamp
Where the toad and the newt encamp, --
By the dismal tarns and pools
Where dwell the ghouls, --
By each spot the most unholy --
In each nook most melancholy, --
There the traveller meets aghast
Sheeted Memories of the Past --
Shrouded forms that start and sigh
As they pass the wanderer by --
White-robed forms of friends long given,
In agony, to the Earth -- and Heaven.
For the heart whose woes are legion
'T is a peaceful, soothing region --
For the spirit that walks in shadow
O! it is an Eldorado!
But the traveller, travelling through it,
May not -- dare not openly view it;
Never its mysteries are exposed
To the weak human eye unclosed;
So wills its King, who hath forbid
The uplifting of the fringèd lid;
And thus the sad Soul that here passes
Beholds it but through darkened glasses.
By a route obscure and lonely,
Haunted by ill angels only,
Where an Eidolon, named NIGHT,
On a black throne reigns upright,
I have wandered home but newly
From this ultimate dim Thule.

 

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