Stéphane Mallarmé un coup de dés...  
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Le Pitre Châtié
Stéphane Mallarmé  
 
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LE PITRE CHATIÉ

Yeux, lacs avec ma simple ivresse de renaître
Autre que l'histrion qui du geste évoquais
Comme plume la suie ignoble des quinquets,
J'ai troué dans le mur de toile une fenêtre.

De ma jambe et des bras limpide nageur traître,
À bonds multipliés, reniant le mauvais
Hamlet! c'est comme si dans l'onde j'innovais
Mille sépulcres pour y vierge disparaître.

Hilare or de cymbale à des poings irrité,
Tout à coup le soleil frappe la nudité
Qui pure s'exhala dans ma fraîcheur de nacre,

Rance nuit de la peau quand sur moi vous passiez,
Ne sachant pas, ingrat! que c'était tout mon sacre,
Ce fard noyé dans l'eau perfide des glaciers.

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Première version du "pitre chatié", 1864.   LE PITRE CHATIÉ

Pour ses yeux, - pour nager dans ces lacs, dont les quais
Sont plantés de beaux cils qu'un matin bleu pénètre,
J'ai, Muse, - moi, ton pitre, - enjambé la fenêtre
Et fui notre baraque où fument tes quinquets.

Et d'herbes enivré, j'ai plongé comme un traître
Dans ces lacs défendus, et, quand tu m'appelais,
Baigné mes membres nus dans l'onde aux blancs galets,
Oubliant mon habit de pitre au tronc d'un hêtre.

Le soleil du matin séchait mon corps nouveau
Et je sentais fraîchir loin de ta tyrannie
La neige des glaciers, dans ma chair assainie,

Ne sachant pas, hélas ! quand s'en allait sur l'eau
Le suif de mes cheveux et le fard de ma peau,
Muse, que cette crasse était tout le génie !

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